CD n°37 du 13-09-2023
COMMUNIQUE D'INFORMATION DU MERCREDI 13 SEPTEMBRE 2023
REGARD SUR L’ACTUALITE
LE DIEU DES CHRÉTIENS, C’EST LE CRUCIFIÉ
La liturgie de ce Jeudi 14 nous invite à célébrer la Croix glorieuse de notre Seigneur Jésus Christ. Nous pourrions nous demander comment il est possible d’associer l’idée de gloire à un instrument de souffrance, d’humiliation et de mort, comment rapprocher idée de Dieu associée à la toute-puissance de vie, et perspective de mort sur la croix qu’affronte librement celui qui est Fils de Dieu ! En effet, pour nous, les hommes, la puissance est contradictoire avec la faiblesse, et si Dieu est tout puissant, il ne peut pas être faible. Si Dieu est Dieu, il est tout, il ne manque de rien. Il possède tout. Et si Jésus était Dieu, nous en déduisons automatiquement qu’il ne pouvait avoir une histoire humaine comme la nôtre ; il devait tout savoir depuis le début, il avait tout prévu ! Mais cette conception de la puissance ne résiste pas à la lumière de la passion et de la mort de Jésus ! Et lorsque nous arrivons à la passion, force est de constater que l’image du crucifié ne cadre pas avec l’image du « grand patron » que nous nous faisons de Dieu !
Souvenons-nous que c’est librement et consciemment que Jésus se laisse livrer et se livre. Il se laisse livrer, car il n’est pas l’auteur de la trahison et de l’abandon des siens. Il n’a pas le goût de la souffrance, il ne la recherche pas de façon morbide. Ce sont bien les représentants de la Loi qui l’arrêtent et le conduisent à Pilate. Et finalement, c’est bien la foule qui le livre alors que Pilate, tout en demeurant convaincu de son innocence, ne s’oppose pas à son supplice. Jésus sait donc ce que veut dire être innocent et pourtant abandonné de tous, surtout de son peuple et de ses amis.
Abandonné des siens, Jésus se livre et s’abandonne librement. Pourquoi ? Remis entre les mains des hommes, Jésus continue de rendre témoignage à la vérité de Dieu : un amour pour nous qui va jusqu’à se laisser dépouiller de lui-même. Livré, Jésus fait don de lui-même : « Ma vie… personne ne me l’enlève ; mais je la dépose de moi-même » (Jn 10, 18). Pourquoi ? Mis entre les mains des hommes, Jésus continue de rendre témoignage à la vérité de Dieu. Il s’en remet à son Père pour ce qui concerne son propre avenir. Son amour pour nous va jusqu’au dépouillement de lui-même. Saint Paul écrira : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu… Nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1 Cor 1, 18). De toute éternité, Dieu n’existe que comme don de soi, don qui fait naître, et ce don culmine dans la passion, la croix et la mort du Christ.
Si Jésus est mort en croix, ce fut à cause de sa prétention à dénoncer le mal, et à cause de son action en vue du règne de Dieu. Il a voulu changer les relations entre les Hommes, il a dénoncé l’hypocrisie et le mensonge, l’exploitation et l’exclusion, la haine et le non-respect d’autrui, ainsi que toute attitude religieuse qui asservit au lieu de libérer. Mais dans ce combat, la croix de Jésus Christ manifeste que Dieu n’intervient pas dans notre histoire sans les hommes eux-mêmes. Dieu ne se substitue pas à nos libertés, il les fait naître. Jésus dans sa Passion est l’Homme libre, lucide devant le mal, capable d’affronter la mort et la peur qu’elle inspire, non pas comme un héros de bande dessinée mais avec cette force étonnante qu’il trouve dans son accord à la volonté du Père. En Jésus, Dieu combat le mal non de l’extérieur mais de l’intérieur en rendant Jésus libre face au mal.
Nous n’avons pas de réponse théorique au problème du mal. Il est là ! Il est dans l’échec, la maladie, la mort. Il est dans la domination, la dictature et les guerres, dans la famine et la misère. Il est là et souvent, les Hommes en sont responsables. Le mal vient du cœur de l’Homme, c’est l’échec de l’Homme. Jésus qui s’est engagé de toutes ses forces contre les puissances du mal n’a pas expliqué le mal. Il l’a combattu. Au cœur de sa passion, il affronte le mal en toute vérité. Il crie sa peur et sa soif, mais il ne se détourne pas. Il trouve même des paroles de pardon envers ceux qui le condamnent, des paroles d’avenir envers ceux qui l’entourent, des paroles d’amour envers sa mère et l’apôtre Jean, des paroles de confiance et de foi envers son Père quand il s’en remet à lui. Il ne s’est pas laissé aller à la révolte ou au repli sur soi, il a su rester homme à l’image de Dieu au cœur même de l’angoisse et de l’abandon.
« O Croix, sublime folie, O Croix de Jésus Christ
Dieu rend par toi la vie et nous rachète à grand prix,
L’amour de Dieu est folie, O Croix de Jésus Christ »
+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU