Le fils prodigue

 

4ème dimanche de Carême.

Josué 5, 10-12 ; 2 Corinthiens 5, 17-21 ; Luc 15, 1-32


 

La première lecture fut très courte ; Josué 5, 10-12 c’est-à-dire trois versets, trois petits versets. Mais c’est un évènement fondamental pour le peuple hébreux que nous décrivent ces trois petits versets.

Quel évènement ? « Ils mangèrent cette année-là ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan ». Le peuple hébreux qui depuis quarante ans était nomade, éleveur de bétail, dans le désert, s’est installé au pays de Canaan et devient un cultivateur sédentaire.

Un monde nouveau s’offre à eux. Avec le danger de se tourner vers les idoles de ce nouveau monde. Mais Dieu ne l’entend pas ainsi, le monde nouveau est un monde à bâtir.

Alors je pense à nous. Quelle est notre attitude quand, dans la paroisse, il y a un grand changement ? Le départ de Monseigneur Michel a été un choc très fort pour nous tous. Mais avons-nous été accueillants vis à vis de la nouvelle équipe ou boudeurs parce que du «temps de Mgr. on faisait comme cela… » ou « comme ceci »  et que c’était mieux ?

Acceptons nous avec joie les changements d’organisation ; équipe de tavini, cellule communication ; messe tous les dimanches dans les deux chapelles… ?

Notre monde change à très grand vitesse, sommes-nous des éternels boudeurs ou de ceux qui prennent à bras le corps ce monde nouveau pour lui révéler l’évangile ?

 Est-ce que les catéchistes ont accueilli avec joie la nouvelle méthode proposée et n’ont pas boudé en se voyant forcés de se mettre en question dans leur vieille pratique…

Saint Paul nous l’a confirmé dans sa lettre aux Corinthiens : « le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né ». Il nous faut sans cesse passer un cap, une étape, ne pas rester en arrière. Et cette progression, ce chemin doit être sans cesse marqué, jalonné par des temps de réconciliation : « Au Nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu. »  nous adjure encore Saint Paul.

Si l’évangile n’aboutit pas à la réconciliation, il n’est rien d’autre que des mots qu’en refuse à croire.

Sommes-nous des serviteurs de la réconciliation, en sachant nous réconcilier avec Dieu, avec notre prochain et en aidant les autres à se réconcilier entre eux ?

Et puis nous arrivons à Luc chapitre 15,  la fameuse parabole du « fils prodigue ».  On vous a dit souvent que cette parabole devrait plutôt s’appeler  la parabole du « Père prodigue ». En effet, elle nous décrit un papa qui nous saute dans les bras pour nous embrasser quand enfin nous revenons à la maison.

Jésus pourtant nous parle de deux fils dès le début de l’histoire : « un homme avait deux fils… » Et il revient à la fin : « le fils aîné était aux champs… ».

Il s’agit en fait d’une seule et même histoire : l’histoire d’un homme qui avait deux fils. Chacun des fils va son chemin. L’un s’en va, l’autre demeure, reste à la maison. Et malgré cette différence des chemins parcourus, ces deux hommes font l’expérience de la solitude, de l’abandon, de la tristesse. Le fils cadet après avoir dilapidé son bien fait l’expérience forte de sa propre insuffisance, sa pauvreté.

Devant l’accueil que son père réserve au plus jeune ; « les beaux vêtements, la bague, les sandales et le veau gras… » Devant cet accueil l’aîné se sent écarté, frustré, méconnu ; il attendait tant de son père et il a le sentiment d’être trompé lui qui avait tout fait pour ne pas lui déplaire.

Tous les deux ont eu la même réaction ; celle de ne plus vouloir être fils. Jésus nous montre alors que l’attitude du Père est identique dans les deux cas. C’est lui le Père qui vient à la rencontre du fils prodigue : « il courut se jeter à son cou et le couvrit de baiser ».

C’est lui le Père qui vient à la rencontre du fils aîné : « son père qui était sorti, le suppliait ».

C’est lui le Père, qui révèle à ses deux fils que l’amour ne s’achète pas, ne se mérite pas, mais qu’il nous précède toujours. Dieu nous a aimés en premier. 1 Jn 4, 10 : « Voici  ce qu’est l’amour, ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est  lui qui nous a aimé » et 4, 19 : « Nous nous aimons parce que Lui, le premier nous a aimé ».

Le cadet et l’aîné ont à devenir fils. Et pourtant ils ne comprennent pas qu’en acceptant d’être fils ils ont vocation à devenir, malgré tout ce qui les sépare, à devenir frère l’un de l’autre. C’est aussi notre vocation. Saint Jean encore le rappelle fermement dans  1Jn 4, 20. ; « Celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu, qu’il ne voit pas ».

La parabole du « fils prodigue » ou plutôt celle des « deux fils », nous rappelle donc que l’amour de Dieu est inséparable de l’amour de nos frères, et surtout de ce frère qui est à côté de nous, en ce moment même à la messe, ce frère trop connu parce qu’on le fréquente chaque jour à la maison, au travail, si proche au point que nous oublions parfois qu’il est lui aussi, Fils de notre Père.

 

Amen.

 

Père Jean-Pierre POTELLE - Dimanche 10 mars 2013 – Saint Etienne de Punaauia