CD n°9 du 28-02-2024

COMMUNIQUE D'INFORMATION DU MERCREDI 28 FEVRIER 2024

REGARD SUR L’ACTUALITE
« QUAND VOUS JEÛNEZ ! »


Depuis le Mercredi des cendres, nous voici entrés en Carême, ce temps de préparation à la grande célébration du mystère de Pâques. Pendant ce temps liturgique, l’Eglise nous invite au jeûne, à l’aumône et à la prière. Arrêtons-nous sur le jeûne pour en comprendre mieux la signification.


Concrètement, jeûner consiste à se priver de toute nourriture et de toute boisson. Si aujourd’hui, cette pratique est peu prisée, c’est que son sens et son utilité spirituelle ne sont guère perçus ! Pourtant dans beaucoup de religions, le jeûne revêt une place importante, et pas seulement dans le Christianisme. La Bible sur laquelle repose l’attitude de l’Eglise rejoint sur ce point les autres courants religieux. Mais elle précise le sens du jeûne et en règle la pratique. Avec la prière et l’aumône, le jeûne est un des actes essentiels par lequel le croyant traduit devant Dieu son humilité, son espérance et son amour.


L’Homme est à la fois âme et corps, chair et esprit. Il serait donc incomplet d’imaginer une religion purement spirituelle, dans les nuages. L’âme a besoin des actes et des attitudes du corps. Le jeûne qui peut se vivre éventuellement aussi par privation de télévision, de sucreries, de cigarettes, de boissons ou de toute chose dont nous pourrions devenir « accros » n’aura de valeur aux yeux du Seigneur non pas par la quantité de ce dont on se prive mais s’il est accompagné de prière traduisant ainsi l’humilité devant Dieu. Jeûner équivaut à humilier son âme. Il ne s’agit pas d’exploit ascétique, ni de trouver par là un état d’exaltation psychologique ou religieuse comme on le trouve parfois dans d’autres religions. Il s’agit par la pratique du jeûne de s’établir avec foi dans une attitude d’humilité pour accueillir l’action de Dieu et se mettre en sa présence. C’est également l’occasion de remettre en ordre les priorités de notre vie, et de nous « alléger » pour nous permettre de suivre le Christ sans être encombré de ces habitudes qui pourraient nous détourner de lui.


Cependant, la pratique du jeûne peut être pervertie et faire tomber dans l’hypocrisie. A la suite des prophètes, Jésus vient dénoncer les risques qui peuvent déformer le sens profond du jeûne :
= Risque de formalisme, ou d’hypocrisie quand on jeûne pour être vu des hommes : " Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite, pour que les hommes voient bien qu'ils jeûnent » (Mt 6, 16)


= Risque de jeûner sans amour : « Pourquoi avons-nous jeûné sans que tu le voies ? … C’est …que vous jeûnez pour vous livrer aux querelles et aux disputes, pour frapper du poing méchamment… Est-ce là le jeûne qui me plaît, le jour où l’Homme se mortifie ?... N’est-ce pas plutôt ceci, le jeûne que je préfère : défaire les chaînes injustes, délier les liens du joug, renvoyer libres les opprimés et briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? » (Is 58, 4-7)


Ainsi, pour plaire à Dieu et nous rapprocher de lui, le jeûne doit-il être uni à l’amour du prochain et comporter une recherche de la vraie justice. Il ne peut donc être séparé de l’aumône ni de la prière. Si l’amour est absent, le jeûne est vain ! Voici le souhait exprimé par le Pape François dans sa lettre de Carême de cette année : « Que le Carême soit aussi un temps de petits et de grands choix à contre-courant, capables de changer la vie quotidienne des personnes et la vie d’un quartier : les habitudes d’achat, le soin de la création, de celui qui n’est pas visible ou de celui qui est méprisé. J’invite chaque communauté chrétienne à faire cela : offrir à ses fidèles des moments pour repenser leur style de vie ; se donner du temps pour vérifier leur présence dans le quartier et leur contribution à le rendre meilleur… Que l’on voie la joie sur les visages, que l’on sente le parfum de la liberté, qu’on libère cet amour qui fait toutes choses nouvelles, en commençant par les plus petites et les plus proches ».



+ Mgr Jean-Pierre COTTANCEAU